

Spécial cerf
Le 70e anniversaire de la bataille de Kapyong justifie la commémoration des exploits réels de nos soldats canadiens pendant la guerre de Corée.
C’est aussi l’occasion de réfléchir et de faire le lien entre les exploits du passé et l’expérience du présent, en replaçant le service militaire actuel dans un contexte plus profond.
En tant qu’officier subalterne affecté au 2PPCLI à la fin des années 1980, mes années de formation dans l’armée ont été imprégnées de la tradition régimentaire de Kap’yong.
La bataille faisait partie de notre ADN, qu’il s’agisse des vétérans qui racontaient leurs histoires au mess, des souvenirs et des objets qui nous entouraient ou des leçons d’histoire si importantes pour l’endoctrinement régimentaire.
Ainsi, l’opportunité de visiter le champ de bataille lui-même à plusieurs reprises, d’abord lors d’un exercice en 2012, puis lors du stationnement en Corée quelques années plus tard, s’est apparentée à un pèlerinage et a précipité la réflexion sur la manière dont nous, soldats, caractérisons notre propre service opérationnel.
Chaque guerre dans un pays lointain est différente, mais certaines expériences vécues par les soldats canadiens sont durables. Nombre d’entre elles sont restées inchangées au cours des sept décennies qui ont suivi Kap’yong, alors que nos soldats étaient déployés dans le cadre de multiples missions à travers le monde.
Nous avons la chance de ne pas avoir eu à défendre physiquement notre pays contre l’agression ennemie pendant très longtemps, mais plutôt d’avoir mis nos soldats en danger dans le monde entier pour défendre les autres.
Ce point commun fondamental se traduit par de nombreuses expériences similaires: les préparatifs frénétiques avant le départ, la constitution des équipes, les adieux; le mélange complexe d’émotions pendant le déploiement — appréhension, excitation, peur, soif d’aventure, incertitude, impatience, voire ennui; l’assaut des sens à l’arrivée — langues, vêtements, nourriture, odeurs inconnus, tous révélateurs d’une culture étrangère; et, dans les pires circonstances, l’effusion de sang canadien sur un sol étranger.
Une fois sur le terrain, l’engagement dans les premières tâches exige souvent une introspection lorsque le danger devient plus immédiat et que l’on se demande: « Suis-je prêt? »
Dans un excellent exemple de courage moral, le commandant, le Lcol Jim Stone, a répondu collectivement au nom du 2PPCLI en disant « Non. » Malgré les pressions exercées par le Commandement des Nations Unies pour que le bataillon soit immédiatement engagé au combat, il a exigé plusieurs semaines d’entraînement pour s’assurer que le bataillon était prêt après le long voyage en mer vers Busan, une leçon qui résonne encore aujourd’hui.
Dans une armée de volontaires, aujourd’hui comme hier, les raisons pour lesquelles nos soldats s’engagent et se déploient sont nombreuses. Souvent, c’est par sens du service et du devoir envers le pays – faire sa part.
Pour d’autres, c’est l’aventure et, dans certains cas, la solde. Quoi qu’il en soit, à un moment ou à un autre, on se pose invariablement la question de l’objectif général – pourquoi sommes-nous ici et, parfois avec le recul, cela en valait-il la peine?
Quelles que soient les raisons qui les ont poussés à s’engager, les soldats veulent réussir. Ils veulent que leurs efforts soient utiles et appréciés par les autres.
Les anciens combattants de la guerre de Corée ont ce sentiment tangible de réussite collective. Les anciens combattants qui retournent dans le pays qu’ils ont combattu pour défendre voient la démocratie vibrante et dynamique qu’est devenue la République de Corée, qui, après avoir été détruite par la guerre, est devenue une puissance économique et technologique.
C’est un pays qui se souvient, un pays qui est reconnaissant envers ceux qui sont venus de loin au moment où il en avait le plus besoin.
Ce que la Corée est devenue, et la manière dont elle se souvient de ceux qui ont joué un rôle dans sa survie, replace le service et le sacrifice de nos anciens combattants dans leur contexte et donne un sens à ce qu’ils ont vécu.
La guerre de Corée offre une analogie claire avec l’objectif des déploiements pour le soldat canadien d’aujourd’hui.
Nous voulons que nos soldats puissent retourner dans un pays lointain dans 30, 40 ou 50 ans en tant qu’anciens combattants, et qu’ils puissent dire avec fierté qu’ils ont contribué à rendre ce pays meilleur.
Leur participation, quelle que soit son importance dans l’effort global, a contribué à rendre ce pays, et notre monde, meilleur. Cela recadre leur expérience actuelle lorsqu’ils peuvent s’imaginer dans le futur en train de dire : « Cela en valait la peine. »
Dans certaines régions du monde où nous nous sommes déployés, il peut être difficile d’envisager un tel succès dans un demi-siècle ou plus.
Je pense que nos anciens combattants ont probablement éprouvé les mêmes sentiments lors de la dévastation de la guerre de Corée, mais sans leurs efforts, la chance d’un avenir meilleur n’aurait même pas existé. L’histoire jugera des résultats, mais nous devons servir en sachant que nous avons fait notre part.
Nos soldats qui ont quitté le Canada il y a sept décennies pour un pays inconnu à l’autre bout du monde, la Corée, doivent être célébrés et leur service et leurs réalisations doivent être commémorés.
L’expérience d’un soldat canadien qui quitte son pays relativement riche et paisible pour se rendre dans les points chauds de la planète comporte des aspects aussi familiers aux soldats d’aujourd’hui qu’à leurs prédécesseurs vêtus de kaki au début des années 1950.
Les expériences de nos vétérans de la guerre de Corée continuent non seulement à fournir des leçons utiles au soldat moderne, mais aussi un exemple à long terme de la manière dont nous donnons un sens au service.
Nous devons continuer à nous souvenir de leurs sacrifices et à suivre leur exemple.
Général Wayne Eyre/CDS



